Retour sur la rencontre "Can I Use it ?"

Can I use it ? |

Explorer, partager et réutiliser les images des collections en ligne

Musée de Bretagne – Des collections en partage

Rencontre dans le cadre du projet Images-Usages

14 mars 2018, Salle Vasari – INHA

Martine Denoyelle – Introduction

Objectif du projet Images-Usages : dresser un panorama des usages professionnels et des conditions d’utilisation des images.

Livrables : Livre blanc, avec un certain nombre de propositions et préconisations.

Il s’agit de la première étude nationale sur ce sujet vaste et complexe.

Il est important d’insister sur deux aspects dans le cadre de cette présentation :

  • Toutes les activités professionnelles sont concernées, voir affectés, par les questions du coût et des droits des images ;
  • Le tableau a considérablement changé ces dernières années à cause de l’importance prise par la représentation digitale des musées, bibliothèques et archives sur le web, avec une évolution des comportements et des processus de travail. L’audience est plus large et plus diverse,  avec moins de limites sociales et géographiques.

Choix important pour les institutions : il faut décider comment aborder « l’accès à » et « l’utilisation de » leurs collections.

La terminologie employée dans ce contexte a des interprétations très variées ; les termes « explorer », « partager » et « réutiliser » n’ont pas le même sens pour tout le monde.

« Partager » est la devise du Musée de Bretagne, et sans condition quand cela est possible. Le musée a adopté une politique d’incitation : « sharing is caring » (devise du mouvement OpenGLAM).

Contexte plus large : les acteurs de la communauté scientifique et culturelle doivent mettre en avant la culture digitale.

Question : est-ce que la notion de public(s) est encore opérante aujourd’hui ? Comment qualifier les personnes qui abordent les collections à travers le net?  Plutôt des usagers ? Ce ne sont plus les catégories socio-professionnelles traditionnellement identifiées. Chaque individu a une polyvalence naturelle : on a des besoins particuliers et différents selon les utilisations qu’on souhaite faire des images.

 

Céline Chanas, Directrice du musée de Bretagne

Nécessaire de revenir sur le lieu et le contexte territorial, géographique et culturel, car ce n'est pas sans incidence. Le musée a été encouragé, incité et inspiré à mettre en œuvre cette politique.

Le musée de Bretagne est un musée de France, musée de société situé à Rennes dans un complexe culturel intitulé « Les Champs Libres » : ce lieu hybride regroupe

  • la bibliothèque de Rennes métropole ;
  • le musée de Bretagne ;
  • l’Espace des sciences.

Le musée de Bretagne s’est autonomisé du musée des Beaux-arts en 1976. La collection s’est beaucoup étoffée depuis les années 1950, notamment dans les années 1960 et 1970.

C’est aujourd’hui un équipement métropolitain.

Adoption d’une nouvelle stratégie numérique dans le cadre du renouvellement du Projet Scientifique et Culturel (PSC)

Céline Chanas a pris ses fonctions à la direction du musée fin 2012 et le renouvellement du projet scientifique et culturel (PSC) a été finalisé en 2015.

L’informatisation de la collection est précoce : elle a commencé dès 1991, avec le déploiement d’un outil de gestion informatisé pour les collections ; toutefois, c’est bien le nouveau PSC qui permet la mise en place d’une nouvelle stratégie de valorisation via le numérique  et qui nécessite une montée en puissance de l’ingénierie documentaire.

Il y avait 3 chantiers à mener :

  • L’amplification du récolement, de l’inventaire et de la numérisation des collections
  • La mise en place d’un nouvel outil de gestion documentaire (le musée travaillait avec Micromusée depuis 26 ans)
  • La mise en place d’un nouveau portail

Le projet a été porté comme un axe de développement stratégique du musée – créer un musée virtuel – et porté au plan pluri-annuel d’investissement du musée ; des budgets supplémentaires ont été alloués par la métropole, et des subventions sollicitées au MCC via la DRAC ainsi qu’ à la Région et au FEDER au titre du développement de la culture numérique.

Conduite du changement

Socle du projet : des valeurs partagées avec Rennes Métropole et la bibliothèque (des Wikimédiens très présents à Rennes par exemple).

La mise en place de la stratégie numérique du musée a nécessité des ajustements organisationnels :

  • Le changement de fiches de poste, l'évolution du cadre d’emplois et de l’organigramme
  • La mise en place d’un plan d’action culturelle numérique.

N. B. Les directeurs et les conservateurs ont à s’impliquer dans la direction numérique du musée. Il manquait d’ingénieurs documentaires et de compétences en interne ; il fallait que l’équipe se forme via  la formation continue (difficile de trouver des formations adaptées) et en s’appuyant sur les services communication et les services juridiques de la Métropole.

 

Fabienne Martin-Adam, Responsable inventaire et documentation des collections

Dans le cadre du nouveau PSC, il fallait un nouveau progiciel capable de réunir et rendre interopérable dans un même outil des données provenant de bases différentes.

Parmi les besoins spécifiés :

  • Une application d’inventaire répondant aux obligations légales
  • Une photothèque avec les fonctionnalités spécifiques associées
  • Des fonctionnalités de recherche plein texte et multicritères
  • Des formats OAI-PMH pour pouvoir être moissonné
  • Une application permettant de faire de l’inventaire et du récolement sur des sites distants non reliés au réseau
  • Une mise en ligne simple avec un certain nombre de fonctionnalités faciles, intuitives axées vers grand public.

Contexte

Un nouvel outil de gestion et de mise en ligne pour deux collections et trois musées avec un marché en deux phases :

-        Phase 1 : collection partagée du musée de Bretagne et de l’écomusée du pays de Rennes

-        Phase 2 : collection du Musée des Beaux-Arts de Rennes, qui commencera prochainement.

Besoin de réunir des compétences en ingénierie documentaire, en gestion de base de données, et en informatique, juridique et communication (ces trois derniers aspects ont été gérés par les services transverses des Champs Libres).

Le projet s’inscrivait dans un contexte particulier de chantier des collections externalisé – il y avait une contrainte forte liée au marché,  qui nécessitait un prestataire en mesure de respecter les délais (date précise de migration fixée en amont).

Calendrier

  • 2014 – benchmarking
  • 2015 – rédaction du cahier des charges
  • Décembre 2016 — Septembre 2017: réalisation du projet (un temps plein et demie pour préparer les données avant migration).

Résultats

  • Portail de collections en amélioration constante.
  • 174 000 items aujourd’hui, dont 105 000 avec images.
  • L’objectif est d’ajouter 70,000 images supplémentaires par an.

Fonctionnalités :

  • Chercher parmi plus de 174 000 fiches ressources : collections muséales, reportages photographiques et vidéos
  • Tri par facettes
  • Possibilité de sauvegarder des sélections, d’imprimer, d’exporter, d’enregistrer, de commenter, etc.
  • Télécharger et réutiliser des images d’un poids maximal de 3 Mo, en fonction de la licence attribuée, sans demande d’autorisation préalable
  • Partager une notice ou une image : numéro ARK unique et pérenne

Certaines images restent payantes :

●     Celles qui font + de 3 M en poids

●     Les images non numérisées (correspond au prix réel de la prise, coût du travail a été estimé)

Gestion des droits

Dans un contexte métropolitain d’ouverture des données, une délibération du conseil communautaire a voté la gratuité des images et l’utilisation de licences CC.

Des données sous licence ODBL, des images Domaine Public, sous licence CC ou en Tous droits réservés :

  • Œuvres faisant partie du domaine public ou orphelines créées avant 1947 :
    • Œuvres en deux dimensions : Marque du domaine public
    • Œuvres en trois dimensions : CC0 ou CC BY SA, en fonction du photographe
  • Œuvres orphelines créées après 1947 : CC BY NC ND
  • Tout le reste des collections muséales : proposition de contrat de cession de droits à l’auteur ou aux ayants-droits, avec choix de licence CC
  • Reportages photographiques : CC BY SA

Tout est décrit dans les mentions légales du site. Toute image sensible (collaboration, etc.) n’est pas diffusée.

Chiffrage :

  • 63 % DP ou CC0
  • 14 % CC BY SA
  • 21 % autres licences CC plus restrictives
  • 2 % tous droits réservés (ADAGP)

Perspectives

  • Phase 2 du marché pour le MBA de Rennes, même outil de gestion et même portail
  • Bientôt moissonné par Bretania > Collections.fr > Europeana
  • Publication de la base Flora sur le portail OpenData de Rennes Métropole
  • Publication en fullweb pour les chercheurs
  • Enrichissements de la base : vidéos, dossiers documentaires
  • Analyse des usages (que font les gens des images)
  • Community sourcing (plus petite échelle que le crowdsourcing),  pour mieux documenter les images
  • Communiquer, toujours communiquer…

Conclusions

  • Outil tourné vers les usages professionnels.
  • Croisement des missions du musée et des autres services publics du territoire : très important pour un musée de société. Ce ne sont pas « nos collections » ce sont « vos collections »
  • Il fallait convaincre l’ensemble des équipes car la crainte existe légitimement de publier des données imparfaites ou erronées.
  • 25 personnes au musée – il manque une cellule d’animation à ce portail et aux réseaux sociaux. L’animation ne se fera pas toute seule.
  • Évolutions de catégorie d’emplois pour certains profils dans le cadre du projet – très positif.
  • Un autre pont du Champs Libres – le projet 4C : Créativité, Collaboration, Connaissance, Citoyenneté. Faire le lien avec ces démarches collaboratives. L’axe des ressources sera la pierre angulaire de ce nouveau projet.

 

Conclusions Martine Denoyelle

  • La direction de chaque établissement est au cœur de la mise en place d’une vision, et passe par une réorganisation des moyens, notamment services et des emplois. .
  • Le Musée de Bretagne : ethnographique, de société, très en lien avec son territoire – importance de créer le lien – explique le fait que le musée soit le premier en France à avoir adopté une telle politique.
  • L’intérêt pour cette initiative constaté sur les réseaux sociaux témoigne de l’importance de cette démarche et de l’intérêt créé pour la collection : valorisation, estime et reconnaissance.

 


Questions

Est-ce que vous avez des informaticiens en interne ? Quels étaient les coûts associés à ce projet ?

  • Appel d’offres avec 5 ou 6 réponses de prestataires externes.
  • Projet co-piloté par la direction des services informatiques et l’équipe de Fabienne Martin-Adam –– très impliquée dans la rédaction du cahier des charges notamment.
  • La DSI a imposé de ne pas faire deux lots – il fallait traiter la base et le portail dans un seul marché. De ce fait, il y a pas mal de choses à améliorer sur la question de l’interface, graphisme, etc.
  • Coût total : 112 000 € pour les deux phases (la deuxième phase avec le Musée des Beaux-Arts n’a pas encore commencé).
  • Prestation : Progiciel Flora par la société Decalog

La  Loi DADVSI, Qu’est-ce que c’est ?

  • Synthèse documentaire demandée sur cette loi – cette synthèse va être créée et peut être partagée.
  • Parmi les mesures, une reconnaissance des photographes fonctionnaires comme étant auteurs et ayants droit.

Comment avez-vous fait pour contacter les ayants droit ?

Personne embauchée en CDD pendant 6 mois (qui sera renouvelé encore 6 mois]

Le musée a envie de créer une infographie pour que les utilisateurs puissent mieux comprendre les différents droits.

Question : Est-ce qu’il y a des réutilisations commerciales dont vous avez connaissance ?

Seulement pour des éditeurs – parce qu’ils passent toujours par le musée par défaut !

La gestion n’est plus faite par le musée.

Côté benchmarking, y-a-t’il un modèle qui vous a particulièrement inspiré ?

  • Metropolitan Museum of Art, New York
  • RijksMuseum, Amsterdam
  • Google Art Project

Peu d’accompagnement proposé en France dans l'administration des musées pour ce genre de projet – ce qui a donné une sensation d'isolement.

Martine Denoyelle: une cellule, voire un service centralisé serait nécessaire. A l'INHA, la CID a une expertise et remplit ponctuellement cette fonction, mais les besoins sont beaucoup trop importants pour que cela suffise.

Est-ce que vous envisagez de faire des hackathons ?

MuseoMix déjà fait, et l’esprit des Hackathons existent dans les Champs Libres.

Dès le premier jour [journée du patrimoine], il y avait un certain nombre d’activités organisées dans le musée [wikithon, applications open street map] ce qui a permis d’identifier un certain nombre de problèmes.

Facette « Visible au musée » très demandée. Idem pour la recherche par époque qui est en cours de développement..

 Est-ce que vous avez envisagé une manière de hiérarchiser par poids d’image selon les utilisations ?

Dans le cahier des charges, il était demandé que l’utilisateur puisse choisir le poids de l’image à télécharger selon ses besoins.

Pas d’adresse mail demandée lors du téléchargement des images [commentaire public : ça serait intéressant de pouvoir récolter des mails pour pouvoir ensuite lancer des opérations de crowd funding, etc.]. Les commentaires sont utiles dans ce sens : une adresse mail est demandée, cela aide à repérer des utilisateurs particulièrement actifs qui pourraient être sollicités dans une démarche de community sourcing.

Problème d’identification – comment pointer les images à identifier ? Quels sont les retours ? Qu’est-ce que vous injectez dans la base, et comment vous identifiez ces informations ?

Des collections à identifier sont postées et reliées par internet. Les commentaires sont traités par session.

On remercie les contributeurs et on laisse les commentaires visibles. La modération a lieu a posteriori – pas a priori. C’est une prise de risque, mais plus facile à gérer.

Vous avez parlé d’une tarification annexe pour des demandes spécifiques. À titre indicatif, quels sont les tarifs ?

  • Existants, mais en très gros format : 20 €
  • A faire : 40 €

Les recettes avant l’ouverture des données étaient entre 5 et 10 K euros par an.

Coûts fonctionnement avant ouverture du portail et téléchargement possible  : 1 journée par semaine d’un salarié.

Y avait-il des réticences de vos tutelles sur ces questions de revenus ?

La collectivité est engagée depuis longtemps dans ce sens – c’était plus au niveau du musée qu’il fallait convaincre.

Musée de Bretagne condamné dans les années 80 [un particulier a porté plainte pour retirer une image sur un mariage – il a fallu pilonner le catalogue d’exposition]. Cette affaire était assez marquante pour le musée et il y avait une certaine crainte que ça fasse tilt du coup côté de la commission, mais ça a été validé après avoir étudié les risques.

Commentaire du public : Un grand merci de la part d’un éditeur scientifique !

Céline Chanas : Invitation aux chercheurs à travailler avec le portail. Développer les collaborations scientifiques. Une bourse modeste sera mise en place pour encourager l’interaction avec la collection.

Compte rendu par Katie Durand

Mise en page par Elli Doulkaridou


Voir aussi le compte rendu rédigé par Alice Balazy sur le site du Master 2 Documentation et Humanités numériques de l’École du Louvre.

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